Le marché de l’immobilier commercial (du monde d’après)

Le marché de l’immobilier commercial n’aura pas connu une année aussi agitée (on parle de 2020) depuis bien longtemps. Agissant principalement en “accélératrice” de tendances déjà présentes, la crise sanitaire a exacerbé toutes les évolutions que ce secteur portait en germe : nouvelles demandes des consommateurs et des commerçants, nouveaux usages, nouveaux schémas d’investissement, et nouvelles responsabilités des acteurs du marché. Heureusement pour etixia, nous en avions anticipé quelques-uns de ces changements…

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| Un marché qui reste stable (pour l’instant)

 

En France, le marché de l’immobilier commercial semble se maintenir au niveau historique qu’il connaît depuis les années 2014-2018, en termes de chiffre d’affaires et donc de volumes de transactions immobilières, qui restent importants. Pas d’effondrement à constater donc, et pas de raison de penser, en raison des facteurs évoqués ci-dessous, qu’un tel effondrement se produira dans les mois et les années à venir.

Des liquidités toujours présentes

Ces volumes élevés s’expliquent en partie par la disponibilité de liquidités chez les acteurs majeurs du marché : assureurs dotés d’une branche immobilière, sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) sociétés immobilières cotées, foncières privées, indépendants…). Bref, tous ceux qui ont de l’argent à placer et choisissent de le faire dans l’immobilier commercial ont encore les moyens d’injecter leurs fonds propres sur le marché, ou la capacité de se faire financer leurs projets par des organismes tiers.

 Des taux directeurs qui restent bas

Le marché de l’immobilier commercial est également favorisé par le niveau des taux directeurs, qui restent encore relativement bas. Ce faible niveau entraîne mécaniquement une certaine inclinaison des banques et autres organismes financiers à accorder des prêts, et notamment ceux destinés aux investissements sur le marché de l’immobilier commercial.

Des taux de rendement qui se maintiennent

Pour les investisseurs en immobilier commercial, le taux de rendement est l’indicateur  principal de la rentabilité d’une opération. Il représente le ratio entre le coût prévisible du bien (achat parfois financé par un crédit, entretien, réparations et rénovations, mise aux normes…) et les recettes qu’il est censé produire (via le versement d’un loyer principalement). Dans des zones commerciales en déshérence, ce taux a tendance à être plus élevé, car à risque plus important correspondent potentiellement des bénéfices plus élevés, et des loyers plus faibles pour les locataires. Alors que dans les zones où le flux de clients se maintient, et où les loyers sont logiquement plus élevés, le taux de rendement est en général plus faible pour les investisseurs.

 

| Nouveaux schémas d’investissement

 

Malgré cette stabilité et cette conjoncture relativement favorables aux investissements dans l’immobilier commercial, des signes plus ou moins palpables et impactants indiquent qu’une page est bien en train de se tourner. Et que les acteurs du marché devront bien se renouveler s’ils veulent être en capacité d’écrire les suivantes.

 Entre signaux faibles…

Tout d’abord, les banques et organismes financiers sont de plus en plus regardants s’agissant des caractéristiques sous-jacentes des actifs immobiliers qu’ils choisissent ou non de financer :

  • Qualité du locataire et secteur d’activité (secteur en croissance ou à risques)
  • Typologie de l’actif immobilier (taille, équipements, accessibilité…)
  • Etat de l’actif (dégradé ou non).

En passant d’une analyse de pure forme dominée par le taux de rentabilité d’un actif immobilier, à une prise en compte beaucoup plus fine de ce qui impacte, sur le long terme, la valeur du bien, les organismes prêteurs seront nécessairement amenés à revoir leurs décisions en matière de crédit. Et à privilégier des opérations qui apparaîtront plus solides et/ou durables, notamment au regard de la volonté de l’investisseur d’être plus qu’un investisseur, mais un véritable partenaire du commerçant, doté d’une vision et d’une stratégie à long terme, mais également de moyens pour assumer ce rôle au quotidien dans les zones commerciales, au plus proche des enseignes.

C’est la fin de la politique “pierre-papier”, où un local commercial ne constitue rien de plus que des pierres et des mètres carrés, auxquels une valeur est donnée froidement, sans égard pour les spécificités du commerce en lui-même. “Beaucoup d’investisseurs découvrent qu’il est nécessaire de prendre soin de son immeuble en le rénovant régulièrement, mais aussi – et surtout – d’être à l’écoute des besoins du preneur commerçant qui l’occupe,” explique Charles-Edouard Deltour, Directeur Asset & Property Management chez etixia. Il poursuit “Le ‘pierre-papier’, c’est fini. Il faut maintenant réussir à offrir de vrais partenariats gagnant-gagnant avec les enseignes commerciales”.

… Et parfois forts

Côté commerçants, c’est-à-dire preneurs / locataires de ces actifs immobiliers, des signaux plus forts se sont fait entendre, et impacteront inévitablement le marché, dans sa structure et sa vigueur.

A commencer par les difficultés économiques rencontrées aujourd’hui par bon nombre d’enseignes, comme par exemple celles de la mode féminine, déjà en difficulté avant la crise sanitaire, qui n’a fait qu’aggraver cette tendance, avec des ratios loyer / chiffre d’affaires devenus intenables en très peu de temps pour certaines enseignes.

Sur l’autre rive, on trouve bien évidemment des secteurs qui “fonctionnent” mieux que les autres, et ont réussi à tirer des bénéfices en 2020 : bio, vrac, circuit court, hard discount, électroménager, sport… Encore une fois pour ces derniers, la crise sanitaire a davantage fait office d’accélérateur de tendance que de véritable révélateur.

| Nouveaux choix et nouveaux concepts

 

Pour les bénéficiaires comme pour les autres, 2020 – comme le fera vraisemblablement 2021 – laissera des traces, et cela impactera les choix des investisseurs dans les types de commerces accueillis et les loyers pratiqués, qui pourront éventuellement se réajuster à la baisse pour s’adapter aux capacités des enseignes.

Côté offres et services proposés aux consommateurs, d’autres tendances impactantes pour le marché ont été confirmées et continueront à se poursuivre. En voici quelques morceaux choisis :

  • Montée en force de nouveaux concepts jouant sur l’éphémère (exemple du food court pour la restauration)
  • Entrée de l’artisanat local dans les zones commerciales
  • Nécessaire organisation de la modularité/réversibilité et de la mixité des espaces, pour pouvoir adapter les lieux de commerce aux évolutions rapides des usages et des besoins
  • Prise en compte de la montée en puissance de l’e-commerce, et poursuite de l’amélioration des parcours client, dans une logique de phygitalisation.

Face à ces évolutions, la donne change dans les relations preneurs-bailleurs, pour plus de sécurité, et plus de flexibilité. “Les locataires demandent aujourd’hui une plus forte visibilité sur leur compte de résultat, la possibilité de payer mensuellement leur loyer, et ils souhaitent que le site soit animé. Ces nouvelles demandes devront nécessairement être prises en compte par les acteurs du marché, et notamment les bailleurs,” explique Charles-Edouard Deltour.

| Rénovation vs. Production : les jeux sont faits

 

Dernier élément marquant de l’arrêt 2020 : l’interdiction de construire de nouvelles zones commerciales sur des terres agricoles. L’heure n’est donc plus à la production de nouvelles zones commerciales, après une décennie 2010 marquée par une tendance relativement haussière – voire carrément intensive – dans la construction de nouveaux retail parks.

A partir de maintenant, les transactions immobilières ne se feront plus sur du neuf, mais uniquement sur de l’ancien, sauf pour les programmes déjà lancés avant l’adoption du moratoire.

Une transformation majeure qui elle aussi est susceptible de déstabiliser le marché en France, sauf pour etixia qui avait depuis longtemps pris ce virage de la rénovation sur l’existant, et de la réhabilitation de friches commerciales.

Qu’elles soient juridiques, structurelles, économiques ou financières, les conséquences de l’année 2020 laisseront bien évidemment des marques importantes dans le paysage de l’immobilier commercial. Mais cette année aura également constitué un virage vers un rééquilibrage – forcé ou conscient –  des relations bailleurs-locataires, et un passage entre une logique d’investissement vers une logique d’accompagnement durable et évolutif des zones commerciales.

De quoi nous réjouir, et nous rassurer sur pas mal de choix que nous avions déjà opérés dans les années passées chez etixia…